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La place de l’Éducation dans l’Histoire de l’Islam

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Dès les premiers temps de l’Islam, la question de l’éducation occupa le premier plan dans l’esprit des musulmans.

En effet, le tout premier mot du Qur’ân qui a été révélé au Prophète Muhammad ﷺ fut : « Lis ! ».

De même, notre Prophète ﷺ affirma également que :

«La quête du savoir est obligatoire pour tous les musulmans. »

(Al-Bayhaqi et authentifié par Al-Albânî dans son Sahîh Al-Jami’ hadith 3913)

Avec un ordre aussi direct de rechercher le savoir, les musulmans donnèrent une importance capitale au système éducatif, afin de s’acquitter de cette obligation décrétée par le Prophète ﷺ.

Tout au long de l’histoire de l’Islam, l’éducation fut une source de fierté et un domaine dans lequel les musulmans ont toujours excellé. Ils construisirent ainsi de grandes bibliothèques et des centres d’apprentissage réputés dans des endroits comme Bagdad, Cordoue et Le Caire.

Ils furent à l’origine des premières écoles primaires pour les enfants et des universités pour la formation des adultes. Ils firent avancer les sciences à pas de géant à travers ces institutions incroyables, menant à notre monde moderne actuel.

Attitude des musulmans envers l’éducation

L’éducation islamique des enfants ne se limitait pas simplement à des informations et des faits qu’ils étaient censés apprendre. Les éducateurs prenaient également en compte le bien-être émotionnel, social et physique de l’élève, en plus de l’information qu’ils sont censés maîtriser.

Ash-Shayzari, médecin syrien du 12ème siècle, a beaucoup écrit sur le comportement à adopter avec les jeunes élèves. Il notait qu’ils ne « devaient pas être traités durement, ni être occupés par un travail  qui ne profiterait pas à tous en même temps ».

Le grand savant musulman Al-Ghazâli avait également souligné « la nécessité pour l’enfant de s’amuser à des jeux et le risque d’un acharnement constant à l’apprentissage, qui pouvait étouffer son cœur, émousser sa finesse d’esprit et devenir extrêmement pesant. Alors, il se met à chercher des ruses pour échapper complètement à ses études. » Ainsi, Al-Ghazalî avait estimé que la formation des élèves devait être mélangée avec des activités ludiques telles que jouer avec des animaux en peluche, le théâtre de marionnettes, ou encore la pratique de sports.

Les premières écoles

Ibn Khaldoun affirme, dans sa Muqaddima : « Il faut savoir que l’instruction des enfants dans le Coran est un symbole de l’Islam. Les musulmans ont pratiqué un tel enseignement dans toutes leurs villes car ce dernier imprègne les cœurs d’une croyance ferme (dans l’Islam) et de foi, lesquels sont obtenus à partir des versets du Coran et de la Sunna prophétique. « 

Les tous premiers établissements d’enseignement du monde islamique étaient relativement informels. Les mosquées ont toujours été utilisées comme un lieu de rencontre où les gens peuvent se rassembler autour d’un érudit, assister à ses cours, étudier des livres avec lui (ou elle) et acquérir des connaissances. Certains des plus grands savants de l’Islam étudièrent de cette manière, et enseignèrent à leur tour également de la sorte.

Miniature de l’époque ottomane, représentant des étudiants et leur professeur

Les fondateurs des quatre écoles de droit musulman – les imams Abu Hanifa, Mâlik, Shâfi’i et Ibn Hanbal – acquérirent leur immense science en siégeant à des rassemblements avec d’autres savants (généralement dans les mosquées), dans le but d’échanger, et d’apprendre les lois islamiques.

Certaines écoles, à travers le monde musulman, continuent cette tradition de l’éducation informelle. Dans les trois mosquées sacrées – Masjid al-Haram à la Mecque, Masjid an-Nabawi à Médine, et Masjid al-Aqsa à Jérusalem – des savants siègent régulièrement et donnent des cours dans ces mosquées : ces  cours sont ouverts à toute personne qui voudrait se joindre à eux et bénéficier de leurs connaissances.

Malheureusement, avec le temps, les États commencèrent à établir des institutions officielles consacrées à l’éducation et calquées, dans leur grande partie, sur les institutions européennes.

De l’école primaire à l’enseignement supérieur

Depuis le début du 9ème siècle, des écoles primaires, appelées maktab, éduquaient les jeunes élèves. Généralement, les maktab étaient rattachés à une mosquée, où les savants et imams qui y résidaient tenaient des classes pour les enfants. Ces cours couvraient des matières telles que la lecture et l’écriture de l’arabe, l’arithmétique et les lois islamiques. La plupart des populations locales furent éduquées ainsi par ces écoles primaires tout au long de leur enfance. Après avoir terminé le programme des maktab, les élèves pouvaient choisir de commencer leur vie d’adulte et trouver une activité, ou de continuer dans l’enseignement supérieur dans une madrassa, mot arabe désignant « école ».

Les madrassas étaient généralement rattachées à une grande mosquée. C’est le cas, par exemple, de l’Université Al-Azhar au Caire, en Egypte (fondée en 970) et de l’Université Al-Karaouine à Fès, Maroc (fondée en 859). Plus tard, de nombreuses madrassas furent établies à travers le monde musulman par le grand vizir seldjoukide, Nizâm Al-Mulk.

Dans les madrassas, les étudiants étaient formés, en outre, aux sciences religieuses et à l’arabe, mais aussi en d’autres sciences comme la médecine, les mathématiques, l’astronomie, l’histoire, la géographie et beaucoup d’autres encore.

Dans les années 1100, il y avait ainsi 75 madrassas au Caire, 51 à Damas et 44 à Alep. De même, on pouvait compter des centaines de madrassas dans l’Espagne musulmane à cette époque.

Le complexe Registan à Samarkand (Ouzbékistan) contient trois Madrassas dans le même carré

Ces madrassas peuvent être considérées comme les premières universités modernes. Elles possédaient des facultés distinctes selon les différentes sciences, avec des savants qui y résidaient, chacun possédant une expertise dans son domaine. Ainsi, les étudiants choisissaient une spécialisation et passaient un certain nombre d’années à étudier sous l’autorité de nombreux professeurs. Ibn Khaldun précise qu’au Maroc, à son époque, les Madrassas avaient un programme qui durait seize ans. Il fait valoir que cette durée est « le [temps] minimum durant lequel un étudiant peut obtenir la formation scientifique qu’il désire, ou peut se rendre compte qu’il ne pourra jamais l’obtenir. »

Quand un élève avait terminé ses études, ils se voyait accorder une Ijâza, ou licence, attestant qu’il avait terminé ce programme et était qualifié pour l’enseigner à son tour. Les Ijâzas pouvaient être données par un enseignant qui pouvait personnellement témoigner de la connaissance de son élève, ou par l’institution elle-même (la madrassa), pour valider la fin du programme d’études de l’étudiant. Le principe de la Ijâza fut repris (bien plus tard) par l’Occident, et a pour équivalence les diplômes délivrés par les institutions d’enseignement supérieur.

L’éducation et la femme

Tout au long de l’histoire islamique, l’éducation des femmes a toujours été une grande priorité. Les femmes n’étaient pas considérées comme incapables de parvenir à la connaissance, ni d’être en mesure d’enseigner elles-mêmes aux autres (contrairement à la conception occidentale chrétienne, qui considérait la femme comme un être démoniaque et incapable de raison).

Cela fut appliqué dès les premiers temps par le Prophète ﷺ lui-même avec sa propre épouse, ‘Aïsha : cette dernière appartenait aux plus grands érudits de son temps. Elle rapporta des milliers de Hadîths et excellait dans le domaine de la jurisprudence. Après la mort du Prophète ﷺ, elle était reconnue comme ayant enseigné à d’innombrables personnes à Médine.

Urwa ibn Az-Zubayr (neveu de ‘Aïsha), rapporte d’après son père : « Je n’ai vu personne connaître aussi bien le Coran, le licite et l’illicite, la poésie, le récit des arabes et les généalogies comme A’isha, qu’Allah l’agrée ». [Sifat al-Safwa, Ibn Al Jawzi].

Par la suite, l’Histoire islamique montre également, à toutes les époques, l’influence des femmes dans le système éducatif.

Très tôt dans le monde musulman, les femmes ont pu assister à des conférences dans les mosquées et dans les madrassas, et dans de nombreux cas, étaient enseignantes elles-mêmes. Par exemple, le savant érudit du 12ème siècle Ibn ‘Asâkir (connu pour son livre sur l’histoire de Damas, Tarikh Dimashq) racontait avoir beaucoup voyagé dans le but de rechercher la science,  et aussi avoir eu pas moins de 80 enseignantes différentes !

Les femmes jouèrent un rôle majeur par leur dévouement à l’éducation :

– L’épouse du calife abbasside Haroun al-Rashid, Zubayda, finança personnellement de nombreux projets de construction de mosquées, des routes et des puits dans le Hijaz. Cela profita considérablement aux nombreux étudiants qui voyageaient dans ces régions.

– L’épouse du sultan ottoman Sulayman, Hurrem Sultan, fonda de nombreuses madrasas, en plus d’autres œuvres caritatives telles que les hôpitaux, bains publics, et des soupes populaires.

– Au cours de la période ayyoubide de Damas (1174-1260) 26 dotations religieuses (y compris des Madrassas, des mosquées et des monuments religieux) furent construits par des femmes.

L’Université Al Karaouine à Fès (Maroc) fut fondée par Fatima al-Fihri en 859

Contrairement à l’Europe pendant le Moyen-Age (et même jusqu’au 19ème siècle), les femmes, dans le monde islamique, jouèrent un rôle majeur dans l’éducation durant les 1400 dernières années. Plutôt que d’être considérées comme des citoyens de seconde classe, elles eurent un rôle actif dans la vie publique, en particulier dans le domaine de l’éducation.

La colonisation : début du déclin du système éducatif musulman

La tradition des madrassas et des autres formes classiques de l’éducation islamique se poursuit encore jusqu’à aujourd’hui, bien que sous une forme beaucoup plus réduite. Le facteur déterminant fut les colonisations des terres musulmanes par les puissances européennes tout au long du 19ème siècle.

Dans l’Empire ottoman, par exemple, les conseillers français laïcs des sultans préconisèrent une réforme complète du système éducatif afin d’enlever la religion du programme des écoles et d’enseigner uniquement des sciences « profanes ».

Les écoles publiques commencèrent alors à enseigner un programme européen basé sur des livres européens, à la place des connaissances traditionnelles qui étaient enseignées depuis des centaines d’années.

Même si des madrassas islamiques continuent d’exister aujourd’hui, sans le soutien des gouvernements, elles ont perdu beaucoup de leur importance aux yeux du monde musulman moderne.

Aujourd’hui, dans beaucoup de pays musulmans (qui appartenaient à l’ancien Empire ottoman), le système éducatif fonctionne toujours selon le modèle européen. Par exemple, ce que vous êtes autorisé à étudier au niveau universitaire dépend de la note que vous aurez obtenus au Baccalauréat à la fin de vos années de lycée. Si vous obtenez les meilleures notes au Bac, vous pourrez étudier des sciences comme la médecine ou l’ingénierie. Ceux qui obtiennent les notes les plus basses ne sont autorisés à étudier que des sujets tels que… les sciences islamiques et l’éducation !

Malgré les nouveaux systèmes mis en place dans une grande partie du monde musulman, l’éducation traditionnelle survit encore. Des universités comme al-Azhar, al-Karaouine et Darul ‘Uloom Deoband en Inde, continuent d’offrir des programmes traditionnels mais qui rassemblent des sciences islamiques et laïques. Néanmoins, cette tradition intellectuelle est enracinée dans les grandes institutions du passé, qui produisirent certains des plus grands historiens de l’Islam et continuent à propager le message et la connaissance de l’Islam à destination des masses populaires.

 

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